Réflexions

[Femini-books] Des héroïnes

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Quand j’ai découvert le féminisme, j’ai pris conscience d’un certain nombre de choses (assez désagréables). Je me suis notamment rendue compte que les oeuvres manquent cruellement d’héroïnes, de personnages féminins forts / intéressants, ayant des rôles importants dans l’histoire.

J’ai donc décidé de vous parler aujourd’hui des héroïnes de roman qui m’ont marquée et appris des choses. C’est une liste très subjective et loin d’être exhaustive. N’hésitez pas à la compléter en commentaire. (Ca me donnera des idées de lecture !)

Attention : je ne garantis pas que l’ensemble des oeuvres citées soient 100% féministes et sans défaut ; mais elles ont au moins le mérite de présenter des héroïnes (et, pour plus de la moitié d’entre elles, d’être écrites par des autrices).

Ma première héroïne : Sophie

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Quand j’étais petite, j’empruntais le livre audio à la bibliothèque, je l’écoutais en boucle et quand le délai était terminé, je le rapportais pour le réemprunter aussitôt. (Avec beaucoup de retard, pardon à mes camarades qui ne pouvaient pas l’emprunter.) Je connaissais par coeur « Les malheurs de Sophie », de la Comtesse de Ségur.

Aujourd’hui, si j’ai du mal à me souvenir des morales de chaque histoire (probablement « c’est mal ce que Sophie a fait »), j’ai encore en tête plusieurs bêtises de Sophie de Réan. La poupée, les poissons, les fruits confits, le bout de pain au cheval, la crème, les sourcils… Si la Comtesse de Ségur avait voulu illustrer les sept péchés capitaux (sauf la luxure), elle ne s’y serait pas prise autrement !

Pour moi, c’était surtout l’histoire d’une petite fille qui n’était ni sage ni gentille, qui était dans l’action et ne se laissait pas faire, qui se comportait comme bon lui semblait même si on lui avait dit non.

Je ne dirais peut-être pas la même chose si je devais relire « Les malheurs de Sophie » aujourd’hui. N’empêche que, alors que j’étais entourée d’albums où les filles attendent et de livres où les garçons sont les héros, Sophie faisait figure d’exception : oui les filles aussi font des bêtises et des trucs bêtes, et elles se font gronder, et elles recommencent et elles peuvent tenir tête aux adultes et à leur cousin.

Les messages de la Comtesse de Ségur sont discutables (d’autant plus que Sophie est censée devenir « meilleure » à l’instar de son cousin et des petites filles modèles). Il y a de meilleurs livres à faire lire aux enfants aujourd’hui. Mais pour l’enfant que j’étais, Sophie était la meilleure héroïne.

Mes héroïnes ingénieuses : Hermione et Violette

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Le personnage principal de la saga « Harry Potter », de J. K. Rowling, est certes Harry Potter. Mais nous savons tous.tes que sans Hermione Granger, Harry ne serait arrivé à rien. Hermione est intelligente, travailleuse, elle est pleine de bon sens et de logique. Si elle est présentée au départ de manière assez négative, elle devient rapidement indispensable et révèle d’autres traits de caractères qui font qu’elle n’est pas qu’une personne qui lit et sait tout (même s’il n’y aurait pas de mal à ça et que c’est déjà beaucoup !). Elle est aussi loyale et courageuse. Elle comprend vite et elle trouve des solutions. Elle est solidaire et soutient les causes qui lui tiennent à coeur. Au fil des livres, même si l’autrice ne se focalise pas dessus et que c’est une interprétation toute personnelle (au vu du bal avec Krum et de sa relation avec Ron), Hermione découvre sa féminité (elle prend conscience de son apparence et y fait attention, elle est perçue comme une femme par tout le monde sauf Ron – ah ah -). C’est un élément important, selon moi, puisque Hermione s’affirme en tant que femme sans que ça remette en cause l’ensemble de ses qualités et caractéristiques. Vous me direz que c’est normal, je vous répondrai que c’est assez rare pour être noté.  Hermione n’est pas juste un personnage féminin là pour faire joli, pour mettre en valeur les hommes, pour être tuée et inspirer une vengeance, etc. Hermione est un personnage à part entière, qui se trouve être une femme et qui se trouve être géniale.

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« Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire », de Lemony Snicket met en scène trois frère et soeurs, orphelins, qui vont faire face à une multitude de mésaventures. Violette est l’aînée, elle est courageuse et elle est très douée pour inventer des engins avec ce qu’elle a sous la main. Cette capacité d’inventer et de créer des choses matérielles et techniques, dans les livres, est souvent dévolue aux hommes. C’est donc chouette de se retrouver avec une héroïne qui a cette qualité, d’autant plus que c’est toujours présenté comme normal. Violette a un petit frère (qui a d’autres qualités) et une petite soeur (qui est un bébé et qui mord). Dans les romans, ces trois-là sont complémentaires, s’entraident et respectent les dons des un.e.s et des autres. C’est-à-dire que jamais Klaus, le petit frère, ne va remettre en question les inventions de sa soeur ni considérer que ses propres qualités sont meilleures que celles de sa soeur. On a donc affaire à une fratrie au top et une grande soeur qui déchire tout. Pour ne rien gâcher, les treize tomes de la saga sont très drôles.

Mon héroïne parfaite : Ayla

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« Les enfants de la terre », de Jean M. Auel se passe à la préhistoire et raconte en six tomes la vie d’Ayla, de son enfance à l’âge adulte.

Ayla est parfaite, probablement un peu trop. Elle a tout pour elle : l’intelligence, la débrouillardise, l’ingéniosité, la bonté, la beauté et à peu près l’ensemble des qualités existantes. Ayla ne se laisse pas faire. Elle est gentille, fait attention aux autres. Elle désobéit quand elle trouve que c’est nécessaire. Elle innove et invente. Elle chasse (je rappelle que c’est la préhistoire). Elle est indépendante (même quand elle est amoureuse).

Mais tout n’est pas parfait pour Ayla. Après un tremblement de terre, elle est séparée de sa famille et se retrouve adoptée par un autre clan (un peu moins « évolué » que le sien, pourrait-on dire). Elle doit s’adapter à des nouvelles règles, apprendre la langue, se conformer… Ayla a un esprit vif et est de bonne volonté. Bien qu’elle souhaite de tout coeur être intégrée et qu’elle aime son nouveau clan, elle va se rebeller contre certaines personnes et contre certaines interdictions. Ca c’est pour le premier tome, qui est sans doute le meilleur et dans lequel il se passe plein de choses. On devient Ayla, on la comprend, on la soutient. Elle ne se laisse pas faire, elle fait des efforts pour comprendre / apprendre, elle est partagée entre sa loyauté et son envie de liberté.

Dans les autres tomes, il se passe évidemment plein d’autres choses. Je ne veux pas spoiler mais en gros : à un moment, Ayla va devoir se débrouiller toute seule (je veux dire, vraiment toute seule), ce qui va lui faire déployer des trésors d’ingéniosité ; à un autre moment, Ayla va devoir combattre ; dans plusieurs situations, Ayla va devoir essayer de s’adapter et comprendre ce qu’on attend d’elle sans abandonner ses fondamentaux. Tout cela est très abstrait si vous n’avez pas lu la saga et j’en suis désolée. C’est juste pour vous dire qu’Ayla est l’héroïne parfaite, qui va vivre plein d’aventures, et aussi une histoire d’amour, tout en restant fidèle à elle-même.

Les enfants de la terre, c’est à la fois un roman d’aventure, d’initiation, d’émancipation, spirituel, un peu érotique, une romance aussi. En conséquence, Ayla est une héroïne de tous ces styles. Et je l’aime très très fort car elle sait tout faire, qu’elle sait se débrouiller seule et c’est un chouette message à avoir en tête.

Mon héroïne idéaliste : Antigone

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Quand j’ai lu « Antigone », d’Anouilh au lycée, ça m’a fait une claque. Antigone se rebelle contre les ordres du roi, son oncle, et va tout risquer pour pouvoir enterrer son frère. Faut avoir du courage et de la force pour faire ça. Antigone a les deux et ne craint pas de mourir pour sa cause. C’est quelque chose que je trouve vraiment impressionnant. Antigone porte fièrement ses convictions et ne recule devant rien. De plus, Antigone a des répliques formidables.

Cette description est très courte et ne reflète pas la qualité de la pièce ni la détermination d’Antigone mais je ne sais pas trop quoi dire de plus. On a affaire à une femme qui se bat pour ses idées, c’est quelque chose que je ne sais pas trop faire et c’est pour cette raison que je trouve Antigone tellement inspirante.

Mon héroïne bad-ass : Lisbeth

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« Millénium », de Stieg Larsson a, parmi ses personnages, Lisbeth Salander dont je suis assez fan et à qui je voudrais ressembler (ce ne sera jamais le cas).

Lisbeth a vécu des trucs horribles dans son enfance. Si ce genre de ficelle est assez énervante (le personnage féminin brisé), la différence ici c’est que Lisbeth n’attend pas qu’on la sauve. Elle se sauve toute seule. Elle se venge toute seule. Mais elle venge aussi les autres femmes, elle les soutient. (Et elle sauve aussi des hommes parce que eh, tout le monde a parfois besoin d’être sauvé.) Elle est ultra indépendante. Elle est douée dans ce qu’elle fait (enquêter et hacker aussi), elle a des capacités intellectuelles très développées. Son talent est d’ailleurs reconnu par un bon nombre de personnages.

Lisbeth est bisexuelle. Désolée, je ne sais plus si le terme est employé tel quel mais le fait est qu’elle a des relations sexuelles avec des hommes et avec des femmes, sans que ces relations soient considérées comme des passades. Et sa vie sexuelle n’est pas considérée comme dégradante / humiliante ou quoique ce soit, ce qui est un travers hélas régulièrement rencontré dans les livres.

Bien que Lisbeth soit très mystérieuse, son personnage est assez approfondi et a de la consistance. Ca fait du bien.

Mes héroïnes rebelles : Modesta et Pauline

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« L’art de la joie », de Goliarda Sapienza raconte l’histoire de Modesta, née en 1900 en Sicile. J’ai lu ce livre une fois il y a quelques années, je ne me souviens pas de toutes les subtilités (donc ma présentation sera assez courte), mais il m’a marquée. Ce livre raconte l’apprentissage de la vie et de la liberté par Modesta, qui se révolte contre les carcans et contre le patriarcat (et contre plein d’autres choses dans la société italienne de l’époque). Elle est ouvertement féministe. Modesta s’affirme socialement, intellectuellement, sexuellement et politiquement. Elle fait fi des conventions et avance dans l’existence sans s’excuser, ne s’embarrassant pas des bonnes manières. C’est assez exaltant de la suivre dans son parcours. Tout est possible.

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Pauline est l’une des jumelles du roman « Les jolies choses », de Virginie Despentes. C’est celle qui va prendre la place de sa soeur et découvrir un monde qui lui était alors inconnu :  celui du show-business, de la musique, de la drogue et de l’hyper-sexualisation. Pauline doit naviguer entre ses convictions féministes et les attentes qui pèsent sur elle (puisqu’elle veut devenir célèbre et que pour cela, il faut faire des concessions). J’ai lu ce roman pour la première fois quand j’étais jeune ado et certains extraits qui m’ont questionnée ; je les garde en mémoire. Par exemple, quand Pauline doit s’épiler et qu’elle réplique « mes jambes elles sont faites, ma mère m’a mise au monde avec » (je cite de mémoire, ce n’est sûrement pas exactement ça mais c’est le sens). Il y a un autre passage où Pauline sort en décolleté et en minijupe et qu’elle sent le regard des hommes sur elle. Au fur et à mesure du roman, la vie rappelle à l’ordre Pauline et c’est assez terrible. Mais j’avais quand même envie de vous parler de Pauline car j’aime « Les jolies choses » et j’aime Virginie Despentes et il y a dans cet ouvrage des passages éminemment féministes.

Mes héroïnes soignantes : Jean, Léonie et Flavie

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Jean, c’est l’héroïne du roman « Le choeur des femmes », de Martin Winckler. Elle est interne en médecine, a plein d’idées reçues et va devoir les remettre en question grâce à son maître de stage. Bon, ça m’énerve un peu que ce soit un homme qui apprenne ces choses-là à une future médecin mais mettons ça sur le compte de l’expérience de ce praticien qui est bien plus âgé. Dans le service gynécologique, Jean va avoir affaire à des femmes aux histoires multiples et variées, elle va apprendre la bienveillance et l’écoute. Et c’est le prétexte pour nous conter d’autres histoires, non vécues personnellement par les protagonistes principaux.

En lisant ce livre, je me suis rendue compte de certaines choses que jusque là je trouvais ça normal. Je n’avais par exemple jamais remis en cause la position dans laquelle les gynécos nous auscultent. Alors qu’il y en, semble-t-il, de meilleures ! Je n’avais pas trop conscience non plus de la maltraitance que peuvent subir les patient.e.s. Ca peut paraitre anodin mais ça ne l’est pas, et ce livre m’a un peu ouvert les yeux. Sans avoir les mêmes préjugés de base que Jean, j’ai appris en même temps qu’elle. Je suis beaucoup plus attentive et vigilante à présent dans mes relations avec les professionnels de santé.

Au-delà de l’aspect médical / gynécologique du service où évoluent les personnages, il y a l’histoire personnelle de Jean qui est aussi super intéressante.

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Les histoires de Léonie et Flavie sont aussi très intéressantes. « Les accoucheuses », d’Anne-Marie Sicotte commence à Montréal en 1845 et raconte en trois tomes l’histoire de Léonie, la mère, et de Flavie, la fille, toutes deux sages-femmes. Il est question dans ces romans du métier de sage-femme à l’époque, de la médicalisation de l’accouchement, de féminisme, de religion… Léonie et Flavie ne veulent pas se contenter de ce qu’on veut bien leur donner, et elles veulent changer / faire avancer les choses. Elles luttent contre les médecins mais aussi contre les hommes de leur vie, contre les rôles qui sont assignés aux femmes et les interdits. Flavie envisage même d’être médecin ! (A l’époque, c’est interdit.) Dans ce roman, il y a d’autres personnages féminins forts. Et globalement, les femmes ont toujours raison ! (Ca change) Petite réserve de ma part sur la fin, mais c’est très chouette de suivre Léonie et Flavie dans leurs combats.

Mon héroïne forte : Kambili

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Kambili est l’héroïne de « L’hibiscus poupre », de Chimamanda Ngozi Adichie.

Personnage principal et narratrice, Kambili est une adolescente élevée dans une famille nigériane ultra catholique (le père surtout). Au début de l’histoire, Kambili ne se pose pas beaucoup de questions, elle fait ce qu’on lui dit, habituée à tout ce qui se passe chez elle. Elle prend la vie comme elle est. Les circonstances font que Kambili et son grand frère sont amenés à séjourner chez leur tante Ifeoma, auprès de laquelle ils découvrent une toute autre manière de vivre. Commence alors une prise de conscience de la part de Kambili, dont nous suivons l’apprentissage au fil du roman. L’écriture de l’autrice permet d’être complètement immergé.e dans l’histoire et de vivre et ressentir tout ce que vit et ressent Kambili. Kambili se détache de son père et de toutes les règles qui lui sont imposées dès lors qu’elle se rend compte qu’il y a autre chose qui existe. Ce détachement n’est pas immédiat ni sans heurts. Le livre peut être difficile à lire, le propos est dur. Mais Kambili est lumineuse. Et forte même si elle ne s’en rend pas compte.

Les liens familiaux, l’extrémisme religieux, les premiers émois, l’adolescence, la violence, tous ces thèmes sont abordés par Chimamanda Ngozi Adichie qui fait de Kambili une héroïne moderne, réaliste, puissante aussi.

❤ sur ces héroïnes et sur toutes les autres

J’ai d’ailleurs hésité à vous parler des héroïnes des romans historiques de Ken Follett (« Les piliers de la terre », « Un monde sans fin », « Une colonne de feu » et la trilogie « Le siècle »). J’ai dévoré ces romans dans lesquels on retrouve une multitude de personnages principaux, dont des femmes qui déchirent. Mais il y a des éléments que j’ai trouvés problématiques (violences, attitude des femmes entre elle, grossophobie…) et c’est pourquoi j’ai préféré ne pas insister sur ces héroïnes dans ce post. Mais elles existent, elles sont bien là, et c’est cool ! J’ai l’impression de me répéter mais je suis tellement contente quand je rencontre des personnages féminins de qualité !

Des héroïnes, d’accord, mais des héroïnes féministes ?

Au départ, je voulais aussi vous présenter une héroïne féministe mais, à la réflexion, elles le sont toutes, à divers degrés certes et sans que ce soit toujours dit ouvertement.

Mais elles le sont, dans leur manière d’être et de faire, dans leurs choix de vie, et aussi dans la lecture que j’en ai.

Car c’est aussi ça la littérature, l’auteurice nous propose quelque chose et on le reçoit du mieux qu’on peut. Moi j’ai reçu ces héroïnes comme des cadeaux et comme des jalons dans le façonnement de mon féminisme.

Bonnes lectures à vous !

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